« Nos enfants »: Magazine Français du monde-adfe – automne 2018
Edito du n°195 : Nos enfants
Fdm-adfe a organisé au Sénat un colloque sur l’enfance et l’expatriation le 28 septembre. C’est un sujet qui me tenait à cœur depuis longtemps et qui englobe bien entendu les enfants des familles binationales vivant hors de France. Lors des permanences parlementaires que j’ai effectuées à l’étranger, j’ai rencontré de nombreux compatriotes venus me parler de leurs enfants, de leurs problèmes d’adaptation, des questions de scolarité et de la difficulté à faire le bon choix. Et puis d’autres viennent me parler de leur situation dramatique en cas de conflit familial, de violences… et ce sont souvent des femmes, mais je n’oublie pas la situation des enfants franco-japonais qui affecte en priorité les papas divorcés. Alors je souhaitais que l’on réfléchisse ensemble à toutes ces questions, et également à l’adoption internationale, aux enfants recueillis par « kafala » et à l’acquisition de la nationalité française pour ces enfants. Les actes du colloque seront disponibles d’ici quelques semaines et vous pourrez retrouver les interventions de nos témoins et de nos experts.
Un autre sujet mérite toute notre attention : c’est celui des enfants sans identité, parfois appelés enfants fantômes, ce qui illustre bien la problématique : ces enfants n’existent pas au-delà de leur famille, de leur communauté. Selon l’UNICEF il y aurait 230 millions d’enfants, « fantômes » ou « invisibles », 59 % vivent en Asie, 37 % en Afrique subsaharienne. La situation concerne aussi l’Europe (4 %), notamment dans la communauté Rom et parmi les « sans-papiers ».
N’étant pas inscrits sur les registres d’état civil, ces enfants ne peuvent pas poursuivre leurs études au-delà du cycle primaire, en Afrique notamment, ne peuvent pas passer d’examens, échappent aux contrôles de santé et aux vaccinations et peuvent devenir la proie de tous les trafics. Pour les filles cela signifie souvent mariage précoce. Or, l’éducation au-delà du primaire est le meilleur rempart contre les mariages et les grossesses précoces. J’avais présenté une résolution lors de l’Assemblée générale de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, à Berne en 2015, suite au rapport de Laurence Dumont. Depuis cette date, les choses ont avancé, sans doute grâce à l’action de l’UNICEF, des ONG et des communautés de femmes, notamment au Sénégal et en
Côte d’Ivoire, mais très lentement, trop lentement. Dans les zones où règne l’insécurité, dans de vastes régions difficiles d’accès, il n’y a pas ou peu de progrès.
Et il faut le souligner : la déclaration des naissances à l’état civil, évidemment essentielle pour les enfants, est aussi dans l’intérêt des Etats qui doivent disposer de données réelles sur leur population pour préparer l’avenir et faire avancer la démocratie en établissant des listes électorales fiables.
Claudine Lepage
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