Mag Français du monde – été 2019 – Liberté/sécurité : entente cordiale ?
Edito numéro 198 par Gérard Martin, secrétaire général
L’aspiration des Humains à la liberté est très ancienne. A ce titre, on peut remonter à la Bible – les Hébreux fuyant l’esclavage en Egypte – ou encore à la Grèce ancienne, pour ses luttes contre les tyrans. La liberté prend du souffle au 16ème siècle, notamment avec les revendications des cités italiennes et avec les Réformateurs, dont certains développent le concept de liberté de conscience.
Elle devient majeure avec les Lumières et moderne avec la Révolution française et sa Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, en 1789. L’idée de liberté prend alors un essor considérable pour devenir la revendication de peuples entiers pour s’émanciper des états-empires et s’émanciper politiquement dans les Etats eux-mêmes. Elle est alors source de bien des bouleversements aux 19ème et 20ème siècles.
Dans sa conquête, la liberté finit par se décliner en libertés plurielles : liberté politique, libertés d’opinion, d’information, d’association… Aujourd’hui, on évoque davantage les libertés elles-mêmes issues de la liberté, droit fondamental et imprescriptible de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
La sécurité, qui a fait et fait encore l’objet de tant de débats, est plus moderne en ce sens que le droit à la « sûreté » dans l’article 2 de la Déclaration de 1789 fait référence à une garantie pour la liberté. La sûreté se conçoit alors comme une assurance pour le citoyen que l’Etat n’exercera pas sur lui un pouvoir arbitraire et excessif.
Vivre en sécurité chez soi, dans son pays, est une revendication largement partagée. Elle est même multiple dès lors qu’elle se décline sur plusieurs champs : sécurité sociale, sécurité alimentaire, sécurité environnementale…
La sécurité a été démultipliée, au point que certains politiques en ont fait un droit premier et n’hésitent pas à pratiquer l’enfumage en se réclamant de la Déclaration de 1789. Les politiques sécuritaires n’ont pas cessé d’être développées, plus encore depuis les années 70. Elles répondent aux soucis des gouvernants et à ceux de chefs de parti de caresser dans le sens du poil leurs soutiens et leurs électeurs qui demandent toujours plus d’efficacité contre les malfaisants, les indésirables, quitte à réduire les libertés individuelles et collectives, voire à leur porter atteinte gravement.
Je repense à Pierre Mauroy : « la première sécurité est la liberté ». La liberté est essentielle ; la sécurité est nécessaire à la réalisation de la liberté. Mais c’est bien la liberté qui est indispensable pour vivre en sécurité. Les pays totalitaires et dictatures de tout poil ont appris et apprennent encore aux démocrates que leurs politiques sécuritaires, censées protéger les citoyens contre les ennemis de l’intérieur – notamment des étrangers ou indésirables – et de l’extérieur, se sont traduites par l’arrestation et la détention arbitraires ; par la torture ; par le parquage à grande échelle ; par la déportation et par l’anéantissement.
Rien n’est jamais acquis, surtout pas la liberté, et l’entente cordiale entre liberté et sécurité exige vigilance et une détermination sans faille pour préserver la Liberté.
Gérard Martin
secrétaire général